C’est chose faite : au terme de plus d’un an de mobilisation, les premiers paiements en eusko par la Ville de Bayonne ont été réalisés début décembre. C’est la première fois qu’une collectivité locale réalise un paiement en monnaie locale ! Ont été réglés en eusko, à leur demande, une partie de l’indemnité d’élue de Martine Bisauta, Maire-Adjointe en charge du Développement Durable, et l’intégralité de l’indemnité de l’élu d’opposition Jean-Claude Iriart.

La possibilité de payer en eusko les dépenses municipales a été votée à l’unanimité du conseil municipal bayonnais en juillet 2018, mais l’État s’y est opposé, en référé. Le Tribunal administratif de Pau lui a donné tort, mais la Cour administrative d’appel de Bordeaux a ensuite décidé de suspendre la convention en attendant le jugement sur le fond. Le Maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray, a alors décidé de porter l’affaire en cassation devant le Conseil d’État. Ce qui a conduit l’État à proposer en mai 2018 une négociation, qui s’est conclue peu après par une validation du dispositif proposé initialement par la Mairie et Euskal Moneta, avec une légère reformulation des termes de la convention.

 

Relocaliser les circuits économiques

Pourquoi est-il important qu’une collectivité locale puisse utiliser une monnaie locale en paiement, au lieu de l’euro ? Le budget d’une collectivité locale provient pour partie des impôts locaux. « C’est l’argent de notre territoire, puisqu’il est issu de l’économie et de l’énergie du Pays Basque, il n’y a aucune raison qu’on ne veille pas que cet argent reste sur notre territoire », estime Jean-René Etchegaray. En réglant une entreprise, une association ou un élu en monnaie locale, la collectivité s’assure en effet que cet argent sera ensuite réutilisé en grande partie sur son territoire.

« En s’inscrivant dans cette démarche, la Ville souhaite d’abord reconnaître l’intérêt que représente une monnaie locale sur son territoire, poursuit Martine Bisauta. Elle favorise l’économie locale en privilégiant des entreprises et des producteurs locaux, et c’est aussi un atout pour l’Environnement car elle réduit de façon importante les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports longues distances. La commune s’inscrit donc dans une chaîne en permettant à la fois aux usagers de régler un certain nombre de services publics locaux en eusko, et aux élu.es, fonctionnaires, associations et entreprises de percevoir pour tout ou partie un règlement de facture, de subvention ou d’indemnité en monnaie locale. »

D’autres communes et l’Agglo du Pays Basque suivent l’exemple

À la suite de Bayonne, les commune d’Hendaye, de Saint-Pierre-d’Irube, puis la Communauté d’agglomération Pays Basque (158 communes et 310 000 habitants) ont également voté, à l’unanimité, la possibilité de régler des dépenses en eusko. Ainsi, toutes les entreprises, les associations et les élus locaux qui en font la demande peuvent être payés pour tout ou partie en eusko. Il leur suffit de se procurer auprès d’Euskal Moneta un simple mandat d’encaissement en eusko, puis de le transmettre avec leur devis, leur facture, ou leur demande de subvention.

« Il m’a suffi d’envoyer un courrier officiel au maire pour demander le versement en eusko de mon indemnité, en y joignant un mandat d’encaissement en eusko fourni par Euskal Moneta : difficile de faire plus simple ! », confirme Jean-Claude Iriart. Euskal Moneta a alors reçu le virement du Trésor public correspondant aux indemnités de l’élu bayonnais, puis a crédité son compte eusko d’un montant identique. Les euros reçus étant mis en réserve dans le fonds de garantie de l’Eusko.

Des volumes significatifs

« L’une des finalités principales des monnaies locales est de privilégier les échanges économiques basés sur des circuits locaux plus vertueux en terme de développement durable et contribuant à un ancrage plus fort entre l’activité économique et le territoire, analyse Jean-Claude Iriart. Pour y contribuer effectivement au-delà du symbole, la part des échanges qui sont assurés en monnaie locale doit atteindre un volume significatif. Peu de monnaies locales en sont à ce stade. C’est celui où se situe aujourd’hui l’Eusko, qui cherche à élargir encore son périmètre  de circulation pour marquer l’économie locale de son empreinte. Par la masse de leurs budgets, les collectivités peuvent largement contribuer à cet objectif, et il était important que la Mairie puisse dépenser en eusko. C’est désormais chose faite, suite à l’accord passé entre la Ville de Bayonne, l’État et Euskal Moneta. Un premier pas qui ouvre de nouvelles perspectives au développement de l’Eusko. »

Cette innovation intéresse de nombreux territoires, puisque la Ville de Bayonne, précurseur grâce à la volonté de ses élus et à l’efficacité de ses agents, a déjà été sollicitée par la Ville de Grenoble, les métropoles de Brest et Lille, la Région Normandie, la Communauté d’agglomération du Pays Ajaccien, etc.